L’investissement basé sur la valeur ou value investing en anglais est l’une des stratégies boursières de base. Imaginez pouvoir investir dans des entreprises sous-évaluées par le marché et réaliser des gains substantiels lorsque leur valeur réelle est finalement reconnue. C’est exactement ce que propose le value investing, une stratégie d’investissement éprouvée qui remonte à plus d’un siècle.
Cette stratégie a été théorisée il y a une centaine d’années par le mentor de Buffett, Monsieur Benjamin Graham. Elle est souvent opposée à l’investissement axé sur la croissance. Mais est-ce toujours aussi efficace à l’ère de la technologie et de l’information ? Et à quel type d’investisseur cela correspond-t-il ? Si vous adorez trouver de bonnes affaires cet article est pour vous.
Description du value investing :
Cette approche repose sur le principe fondamental d’acheter des actions d’entreprises dont le cours de marché est inférieur à leur valeur intrinsèque, c’est-à-dire leur véritable valeur économique. Le value investing consiste donc à rechercher des opportunités d’investissement où le prix d’une action est significativement inférieur à sa valeur réelle. Puis de les revendre avec un profit une fois que le prix est revenu à un niveau proche de sa valeur intrinsèque.
Elles sont parfois confondues mais la stratégie de value investing est différente de celle de la stratégie boursière axée sur les dividendes que vous pouvez retrouver l’article ici. Parfois les portefeuilles peuvent avoir des entreprises communes mais il s’agit bien de deux stratégies bien différentes.
Le value investing repose sur 3 piliers :
1-Faire une analyse fondamentale détaillée de la valeur de l’entreprise. Cette analyse ne se contentant pas des perspectives de croissance et de la rentabilité de l’entreprise mais aussi de ses actifs. L’idée étant de comparer la valeur affichée dans un bilan comptable et la valeur réelle des actifs.
Par exemple, une entreprise peut avoir acquis un immeuble il y a 40 ans. Elle ne l’a pas réévaluée depuis. Et bien en comptabilité il est possible qu’il soit évalué à la valeur d’achat d’origine, voire à zéro si le bien a été amorti. Alors que dans la vraie vie il vaudra beaucoup plus. Cet écart n’apparaît pas dans les comptes et il faut l’évaluer.
2-La marge de sécurité ou margin of safety en anglais. C’est un concept utilisé dans beaucoup de stratégie mais il est fondamental dans le value investing. Ceci consiste à acheter des actions avec une forte décote de leur valeur intrinsèque. Cette décote étant la marge de sécurité. L’idée étant de dire que si la valeur intrinsèque est disons de 100 Euros, si l’on achète l’action a 70 Euros les chances qu’elle chute encore plus sont faibles. Et donc les risques de pertes sont limités.
3-Parier contre la masse et être patient. Avec cette stratégie il faut accepter d’être contrariant. C’est-à-dire faire des choses différentes des autres. Il faut aussi avoir la patience que les autres investisseurs réalisent leur erreur et remettent le cours de l’entreprise a une valeur proche de sa valeur intrinsèque. Cela peut prendre des années.
Forces du value investing :
- Potentiellement des gains élevés. Le marché peut être irrationnel ou ne pas voir certaines choses. Une fois que le marché se rend compte de son erreur un titre peut s’envoler très vite et permettre des plus values substantielles. 50% n’est pas rare par exemple. Dans ses jeunes années Buffett réalisait des performances annuelles de près de 30%.
- Le bénéfice principal que je vois à cette stratégie c’est qu’il réduit le risque. En effet, si un titre est payé moins cher que sa valeur intrinsèque, il est peu probable qu’il se déprécie encore beaucoup plus. Les actifs de l’entreprise ou ses dividendes servant de prix plancher. Ceci reprends la fameuse maxime de Buffett “Règle numéro 1 : ne pas perdre d’argent, règle numéro 2 se rappeler de la règle numéro 1” Le risque est bien moindre que pour des entreprises évaluées sur leur croissance future.
- Si le travail d’analyse est bien fait, les probabilités de gains sont plus importantes. Avec le value investing il y a en amont un travail d’analyse très important. Le risque de se tromper est donc plus faible. Ce qui mécaniquement augmente la probabilité de gagner. Le potentiel de gain est plus faible que pour une entreprise de croissance mais la probabilité de gagner est plus forte.
Faiblesses de la stratégie axée sur la valeur :
- Cette stratégie n’est pas de tout repos et demande beaucoup de travail. C’est sans doute l’une des approches qui demande le plus de travail. Il faut analyser en détail les entreprises. Et si l’on a raison et que le titre s’apprécie, il faut ensuite recommencer le processus. Sur des approches de croissance ou de qualité, le temps d’analyse nécessaire est sans doute plus court. Aussi avec ces stratégies on peut laisser courir ses gains et garder le titre pendant des décennies. Ceci est plus compliqué pour le value investing. Car par définition une fois le titre revenu à sa valeur intrinsèque il n’y a plus d’intérêt de le garder en portefeuille.
- Être psychologiquement très costaud. Être capable de constamment se battre contre le marché n’est pas donné à tout le monde. Il faut avoir la capacité psychologique de constamment se dire qu’on a raison là ou les autres ont tort.
- Les gains potentiels sont plus faibles que pour d’autres stratégies. Le gain est l’écart entre la valeur intrinsèque et le cours de l’action. La probabilité de voir le cours s’apprécier grâce à la croissance est plus faible pour les entreprises de type value. A l’inverse, les valeurs de croissance pourront continuer à grandir et donc avoir un cours qui s’apprécie.
Facile ou non d’appliquer le value investing ?
Cette stratégie est difficile à mettre en œuvre aujourd’hui. En effet, elle demande beaucoup de travail d’analyse. Ceci est évidemment chronophage. En plus, cette stratégie demande une certaine expertise comptable et financière. Il est souvent nécessaire de se plonger dans les comptes et comprendre les traitements comptables. Ensuite, il faut réévaluer l’entreprise de façon très précise. Cette approche peut être décourageante pour ceux qui recherchent des stratégies plus simples ou qui ont des contraintes de temps.
Cette stratégie axée sur la valeur fonctionnait mieux dans les années 50 ou 60. En effet il n’y avait pas d’ordinateurs qui pouvaient automatiquement détecter les entreprises valorisées moins que leur valeur comptable. Le travail de revue et de calculs que Warren Buffett pouvait faire à l’époque était bien rémunéré. Aujourd’hui avec un stock screener tout le monde peut en quelques secondes savoir quelle entreprise est sous valorisée. Donc si des bonnes affaires existent elles disparaissent très vite !
Performance de la dernière décennie :
Les stratégies de value investing ont historiquement surperformé le marché. Leurs principaux représentants comme Seth Klarman ou David Einhorn ont eu d’excellents résultats jusqu’à environ 2012-2013. Depuis c’est plus difficile, et ils ont plutôt sous performé le marché. Pour moi le problème est la stratégie et pas les hommes. Les deux sont absolument brillants mais le marché actuel est actuellement plus adapté ou friand de valeurs de croissance.
Regardons la performance des ETF value. Par exemple, si l’on regarde l’ETF de référence SPYV basé sur les entreprises value du SP500 (comme Berkshire Hathaway ou Exxon) sur les 10 dernières années la performance annuelle est plus de 2% inférieure à celle du S&P500. Ce qui sur le long terme est énorme.
En Europe c’est mieux avec l’ETF https://www.amundi.fr/fr_instit/product/view/LU1681042518 qui performe a peu près au même niveau que l’indice de référence.
Le value investing protège pendant les crises ?
En théorie, la stratégie est sensée mieux résister aux crises. Dans les faits j’ai vérifié le crash du Covid, la baisse de 2018 et celle de 2015-16. Dans les 3 cas l’indice de référence à mieux résister que le SPYV. Par contre lors du marché baissier de 2022 la stratégie value a bien mieux performé, baissant 6% de moins que le S&P 500. Pendant la crise financière de 2007-2008 beaucoup d’entreprises value, comme les banques, se sont effondrées et donc la comparaison moins flatteuse que lors de l’éclatement de la bulle internet en 2000. La protection n’est pas totalement évidente.
Pour quel type d’investisseur la stratégie est adaptée ?
Selon moi le Value Investing convient particulièrement aux investisseurs patients, prudents et axés sur la valeur, qui recherchent la sécurité et la préservation du capital. C’est surtout pour les investisseurs qui ne souhaitent pas évaluer le futur ou sont sceptiques sur leurs capacités à évaluer la croissance future. Ils préfèrent acheter quelque chose qui vaut moins cher que sa valeur intrinsèque plutôt que de parier sur l’avenir.
Ces investisseurs doivent avoir une grande capacité de travail et être d’une grande patience. Toutes ces qualités ne sont pas communes chez les investisseurs individuels. Cette stratégie est sans doute réservée à des investisseurs avertis.
Mon avis :
Cette stratégie a eu son heure de gloire dans le passé. Avec l’évolution de l’accès à l’information et l’évolution du type d’entreprise, la surperformance paraît plus difficile. La stratégie est compliquée à mettre en place mais peut plaire aux chercheurs de pépites. En cas de chute des valeurs technologiques elle peut être une très bonne protection. La mode n’est plus au value investing, mais en bourse les modes reviennent. Il n’est pas dit quand dans les 10 prochaines années le value investing soit la plus performante des stratégies.
Pour aller plus loin dans la stratégie
Si vous voulez aller plus loin de bons ouvrages sur cette stratégie ‘L’investisseur intelligent‘ de Benjamin Graham et ‘Warren Buffett et l’interprétation des états financiers’ de Mary Buffett. Dans cette vidéo David Einhorn se demande si le value investing fera un jour son comeback. Et vous qu’en pensez-vous, cette stratégie vous tente-elle ?